L’ouvrage est coécrit par trois professionnelles de terrain et membres de l’ANI. Aurélie Lacouchie, secrétaire de l’Association nationale des iconographes et responsable de la photothèque de l’IAU-îdF, Souâd Mechta, photographe, iconographe, ancienne présidente de l’ANI et intervenante dans différentes écoles, et Elisabeth Sourdillat, iconographe pour la presse et l‘édition, et qui enseigne le droit des images et l’iconographie à l’université de Nantes.
Extrait : Étymologiquement, l’iconographe “écrit avec des images”. Spécialiste de l’image, tantôt nommé “rédacteur photo”, tantôt “documentaliste audiovisuel”, “acheteur d’art” ou bien encore “chercheur d’images”, ce professionnel fait bien plus que chercher ou commander des images fixes ou animées… Un métier souvent mal cerné pourtant au cœur du processus de diffusion des images.
Un maillon indispensable
L’iconographe fait le lien entre les producteurs et les diffuseurs d’images. Mais qui sont-ils ? Les producteurs d’images sont des dessinateurs, des photographes, des vidéastes… – la liste des créateurs est longue ! Les diffuseurs sont tout aussi nombreux et évoluent dans des secteurs variés : presse, édition, Web, services de communication d’entreprises, etc.
L’iconographe sait traduire visuellement des idées ou des textes. C’est l’une des spécificités de son métier : savoir trouver une écriture visuelle qui corresponde aux attentes des commanditaires. Une image peut venir en appui d’un texte, pour simplement égayer une mise en pages ou interpeller un lecteur, mais elle peut aussi parler pour elle-même, car elle est pleine de sens et porteuse d’information. Une image raconte toujours quelque chose : cette narration a une forme, un style qui lui est propre et influe sur la façon dont le lecteur (spectateur, internaute, etc.) reçoit le message. Et il faut aussi tenir compte du fait que la polysémie de l’image peut être source de malentendus.
Diverses tâches
Quel que soit son secteur d’activité, l’iconographe doit, notamment, chercher des images, fixes ou animées, mais pas uniquement ! Sa mission principale est d’apporter la réponse visuelle la plus adaptée à la requête iconographique qui lui est faite. Le travail ne se limite pas à de simples recherches sur le Web (voir chapitres suivants) ! En amont, il implique de se renseigner sur le sujet à traiter. Les propositions visuelles ne pourront être pertinentes qu‘à partir du moment où la demande aura été bien analysée et le contexte d’utilisation des images cerné. C’est ce contexte, directement lié à la ligne éditoriale et artistique du diffuseur, qui orientera la sélection des sources iconographiques : l’environnement immédiat dans lequel seront diffusées les images proposées peut être rédactionnel, sonore (texte, mots ou sons) et/ou visuel (les autres images fixes ou animées).
En aval, des tâches administratives, juridiques et budgétaires incombent également à l’iconographe. Lorsqu’il recherche des images, il doit, en effet, garantir à ses commanditaires la reproduction et la diffusion paisibles des documents, obtenir toutes les autorisations nécessaires, et/ou leur préciser les possibilités et les limites d’utilisation des visuels proposés. C’est lui aussi qui négocie les tarifs des images en fonction des budgets alloués. L’iconographe est au cœur des processus de création, en lien avec les équipes éditoriales, publicitaires, rédactionnelles, audiovisuelles, etc. Il lui faut donc avoir une grande capacité d‘écoute et être force de proposition.
Certains iconographes sont chargés de la création et du paramétrage de bases de données iconographiques, de la gestion d’une photothèque ou d’une vidéothèque, de l’archivage, de l’indexation, de l’organisation de prises de vue(s) en lien avec divers prestataires (studio, laboratoire…), ou encore de la mise en valeur de fonds d’images, qui passe de plus en plus par leur numérisation et leur intégration dans des bases en ligne. L’iconographe travaille pour des expositions, des livres d’entreprise, fait du conseil à l’achat… Ses missions sont d’une grande diversité.
Les frontières du métier
Certes, l’iconographe est polyvalent, mais il doit savoir poser des limites : où s’arrête son métier, où commence celui de ses collègues ? Trois tâches en particulier ne sont pas de son ressort :
- la retouche d’image requiert des connaissances très spécifiques (maîtrise de la colorimétrie, du graphisme, etc.) qui ne s’apprennent pas en quelques heures (!), ainsi qu’un matériel adéquat (logiciels, écran calibré, etc.). C’est à l’iconographe, en revanche, de s’assurer que le droit moral de l’auteur de l’image est respecté, c’est-à-dire que l‘œuvre originale n’a pas été dénaturée (sans que l’auteur ait donné son accord écrit – voir chapitre 3) ;
- la maquette : la mise en pages nécessite aussi des compétences précises, qui ne sont pas les siennes. Lorsqu’on lui soumet le BAT d’un magazine ou d’un livre, il n’a pas à commenter le choix de mise en pages, de polices, de couleurs, etc. ; par contre, vérifier que l’image est bien au format prévu au contrat, qu’elle n’a pas été recadrée ni retouchée abusivement, que la légende et le copyright sont corrects, fait partie de ses attributions ;
- la prise de vue(s) est également un métier à part entière ! En dépit des apparences, on ne s’improvise pas photographe, ni vidéaste : il ne suffit pas d’appuyer sur le bouton, il faut maîtriser la lumière, le cadrage, la composition, etc. Savoir exprimer clairement la demande du client pour guider efficacement le photographe ou le vidéaste dans la réalisation de la commande sera, en revanche, entièrement de son ressort.
Divers secteurs d’activité
Il faut insister sur la diversité des “clients” ou des commanditaires. En dehors des secteurs traditionnels, qui sont tous les médias, la presse écrite et audiovisuelle, les sites Web avec maintenant les déclinaisons multisupports (sur tablettes numériques ou téléphones portables), les éditeurs de livres (édition multimédias ou print), les agences de presse et agences photographiques, ainsi que les fonds photo, les secteurs dans lesquels les iconographes peuvent évoluer sont aussi :
- la publicité commerciale ;
- la communication institutionnelle, print ou numérique ;
- l’enseignement ;
- la documentation ;
- l‘événementiel, les expositions ;
- la gestion de fonds et de banques d’image, pour des photographes indépendants par exemple.
Du plus petit au plus grand, dès qu’il y a utilisation d’une image, l’iconographe peut intervenir, et encore plus lorsque l’image doit être reproduite dans un cadre commercial. Mais un iconographe peut aussi ordonner un fonds photographique privé ou une collection qui n’a pas vocation à produire des revenus mais que son inorganisation rend tout simplement inexploitable.
Dans tous les cas, l’iconographe doit défendre ses compétences et son savoir-faire. Les aspects juridiques, financiers et administratifs inhérents au métier font de lui un professionnel rigoureux et exigeant, ayant à cœur de protéger les auteurs et leurs créations, et garantissant la diffusion paisible de visuels choisis avec pertinence.
Cet article est extrait de “Profession iconographe”, disponible aux éditions Eyrolles, 296 p., 26 euros, ISBN : 978-2-212-12837-6.